Un enseignement efficace repose avant tout sur de bons fondements. Tout comme le fermier prépare le sol avant de l’ensemencer, l’enseignant doit préparer le “terrain” de sa classe à l’enseignement.
Article du magazine CSE, volume 18 n°3, page 42. Traduit de l’anglais par Christiane HEGE.
Une fois posées les solides bases que sont une vaste connaissance de la façon d’apprendre de chaque élève, des méthodes de travail appropriées, des objectifs élevés et des relations chaleureuses, commence le travail de préparation à l'apprentissage et à l'enseignement.
Qu'est ce qui rend l'enseignement efficace ? Comment préparer le "sol " afin de fournir un enseignement qui perdure dans une classe ?
Traditionnellement, les écoles ont suivi un modèle historique selon lequel l'instruction est centrée sur un enseignant qui dispense son cours. Suivent ensuite fréquemment des questions sur la compréhension, des applications directes pour assurer l’acquisition du concept, et des devoirs à la maison pour sa mise en pratique. Les élèves écoutent, prennent éventuellement des notes mais, bien vite, ils se laissent distraire, s'évadent et se réfugient dans leur monde. Il importe peu que l'enfant soit au primaire ou au collège. Dans de telles classes, plus l'enseignant parle, plus les élèves décrochent. Des études sur l'apprentissage en classe ont montré que les élèves déconnectent au bout de seulement 10 minutes d'enseignement oral.
L'enseignement participatif a été une formule utilisée dans des salles de classes ou de professeurs durant bien des années. On l’associait souvent au fait d’être un enseignant innovant, ou de s’amuser dans la salle de classe, mais l'expérience nous a prouvé qu'elle rendait l'enseignement plus efficace. L'enseignement participatif consiste à trouver divers moyens de présenter les informations afin que les élèves puissent s’impliquer de différentes façons.
La première étape de l'enseignement débute avant même que le sujet réel soit abordé. Il nous faut préparer le cerveau de nos élèves à ce qui vient. Apprendre devient plus efficace si nous préparons le terrain, aidant ainsi les élèves à anticiper le nouveau contenu auquel ils seront confrontés juste après.
Débutez la nouvelle leçon en la reliant aux chapitres précédents. Qu’ont-ils appris dans le passé à ce propos, quelles sont leurs propres expériences à ce sujet, quelles sont les expériences partagées auxquelles vous pouvez vous référer pendant cette phase de préparation ? Révisez les anciennes leçons, abordez les mots nouveaux importants, faites-les réfléchir sur ce qu’ils savent déjà à ce sujet, demandez-leur quelles sont les autres choses qu’ils aimeraient découvrir.
Avancez ensuite en les aidant à anticiper et se préparer à la leçon. Suscitez l'intérêt pour le sujet en utilisant des choses concrètes telles que clips-vidéos, expériences personnelles, histoires. Aidez-les à visualiser le thème en les faisant parler et réfléchir ensemble, avec des cartes mentales, en regardant des photos, des images, des schémas, etc. Indiquez-leur le but de la leçon, en leur fournissant une feuille de route simple et claire pour leur apprentissage. Lorsque nous préparons le terrain pour la prochaine phase de l’enseignement, nous avons l’assurance que les élèves retiendront le cours dispensé.
Pour planter les premières graines d'un enseignement efficace, il nous faut d'abord examiner comment le cerveau enregistre les nouvelles informations d’un point de vue biologique. Ces dernières années ont vu émerger une foule d'informations sur la façon dont le cerveau peut se modifier et comment fonctionne le réseau neuronal. Nos cerveaux sont reliés à un réseau de près de 160.000 km de fibres nerveuses qui sont en lien avec différentes parties du cerveau pour nous permettre de penser, ressentir et percevoir. Ces fibres nerveuses sont assemblées pour former des milliers de voies qui transmettent les informations d'une partie du cerveau à l'autre. Chaque neurone est un axe auquel d'autres neurones peuvent se connecter pour former un circuit époustouflant et complexe d'intersections. Lorsque le cerveau apprend, il pousse les cellules stimulées à multiplier les extensions en forme de branches, donnant à chaque neurone la possibilité de produire une moyenne de 10000 synapses !
Le but de l'apprentissage est alors de permettre au cerveau de réaliser autant de connexions que possible en lui proposant des concepts et des informations qui vont le stimuler dans bien des domaines. Plus il y a de domaines du cerveau et de neurones activés, plus fort et plus durable sera l'enseignement. Même un examen très superficiel du fonctionnement du cerveau révèle un Dieu créatif extraordinaire qui a créé chacun de nos élèves de façon merveilleuse, le rendant digne de respect.
Apprendre devient un moyen de transformer le concept d'idées issues des deux dimensions limitées d'une page plate d’un livre ou des mots d'un cours, à un procédé tri-dimensionnel qui stimule tous les sens et actionne le moteur de notre cerveau. Le cerveau s'emballe dans une myriade de sections et l’apprentissage prend une toute autre dimension.
Il vaut mieux travailler par séquences pour aider les élèves à raviver les connaissances déjà acquises avant d’en apporter de nouvelles. Commencez par de courtes leçons ou un enseignement direct de courte durée, en vous appuyant sur un apprentissage visuel grâce à des gestuelles créatives ou des images. Ajoutez à cela une composante expérimentale en utilisant l’enseignement coopératif, les binômes de discussion, des jeux en classe, des jeux de rôles, du théâtre ou encore l’enseignement réciproque.
Adoptez des stratégies de prises de notes telles que cartes mentales, post-its créatifs, tableaux à trois-colonnes et quizz pour aider les élèves à ordonner et concevoir la leçon d'une nouvelle manière. Renonçons à la seule lecture du manuel scolaire et permettons que le cours devienne un vecteur organisationnel généré par les élèves. Ils apprendront beaucoup mieux s'ils se sont engagés eux-mêmes dans l'apprentissage d'une nouvelle façon, en le transformant en quelque chose qui les implique eux-mêmes activement.
Le second type de semences garantissant des apprentissages réussis sont les "graines hybrides". Une graine devient hybride suite à la pollinisation d'un croisement de deux plants plus productifs. Cette graine d'apprentissage hybride provient du mélange des contenus enseignés avec l'émotion suscitée par ces apprentissages. Les émotions font partie intégrante de l’apprentissage cérébral global. Elles influent grandement sur la manière dont on apprend. Pour des enseignants chrétiens, les émotions impactent aussi l’aspect spirituel de la vie, le rendant ainsi d’autant plus vital.
Songez au plus important jour de votre vie jusqu'ici. Est-ce le jour de votre mariage ? Peut -être celui de la naissance de votre premier enfant ? Après avoir choisi ce jour-clé, repensez aux détails de cet évènement. En avez-vous davantage en mémoire que ceux d'un jour ordinaire et récent ? La raison en est que cet évènement-clé de votre vie a suscité des émotions plus fortes. Les événements de cette journée ont été "gravés" sur le mur de votre cerveau. Et si nous pouvions exploiter la puissance des émotions pour améliorer la capacité d'apprendre ? Nous le pouvons !
Nos émotions sont recueillies par le système limbique. Le cortex préfrontal est le siège de nos raisonnements. Bien plus de connexions se font dans notre cerveau depuis le système limbique jusqu’au cortex préfrontal que dans le sens inverse. C'est pourquoi nos émotions contrôlent davantage nos raisonnements que l'inverse. Bien sûr, la maturité nous permet de soumettre nos émotions à nos raisonnements. Cependant, la tendance naturelle de notre cerveau de ressentir avant de raisonner devrait nous aider à bien orienter les efforts de l'enseignement.
C’est pourquoi les enseignants devraient augmenter leur enthousiasme et leur passion pour l'enseignement. Certains professeurs sont passés maîtres dans l'art de planifier et de présenter les leçons… qui retombent pourtant à plat. Ce qui fait souvent défaut, c'est un enseignant vibrant d’enthousiasme. Les enseignants sont souvent englués dans une routine quotidienne, ou ils pensent à ce qui va suivre plutôt que de pleinement vivre l'instant présent. Il nous arrive d'oublier que la part la plus importante de l'enseignement est celle d'un acteur en représentation. L'inspiration produit la motivation. Des élèves motivés retiennent l'enseignement. Un autre facteur dans l’aspect émotionnel de l'éducation est de s'assurer que l'atmosphère de la classe soit toujours bonne et positive. Pensez à l'ambiance - quel genre de musique pourriez-vous faire écouter qui enrichisse votre cours ? Réfléchissez à ce que l'on ressent en étant un élève dans votre classe. Les élèves se réjouissent-ils à cette perspective ?
Assurons-nous de semer des graines d'apprentissage hybrides afin d'augmenter nos récoltes à chaque printemps !
Les dernières semences sont celles de la découverte. Si toutes les autres graines de l'apprentissage ont été semées, il est évident que les élèves vont être débordés par la quantité de matière à explorer et à découvrir dans ce qui les entoure. Ces graines vont s'épanouir en appliquant ce qu'ils ont appris, en les utilisant dans des façons nouvelles et créatives, en suscitant des questions, en faisant de nouvelles suggestions, en amenant des opinions diverses. Cela va germer de toute part de manière exponentielle ! La Taxonomie de Bloom est visitée régulièrement du début à la fin ! Des élèves habitués à cette démarche intellectuelle constructive et concrète auront de meilleurs résultats scolaires, que ce soit pour les devoirs ou les examens (Willingham 2014). Mais tout cela n’arrivera que si l’enseignant inclut des semences de découverte dans les contenus de ses cours.
Nous pouvons augmenter le nombre de connexions faites par nos élèves en prévoyant diverses formes d'apprentissage pour un même sujet donné (Jensen 2014). Un enseignement qui fait intervenir un maximum d’"intelligences" possibles dans le projet pédagogique est très productif. Nos cerveaux emmagasinent aussi bien l'instruction que les contextes et supports utilisés pour la dispenser (Jensen 2014). Ainsi, lorsqu’un sujet comme le fermage par exemple est uniquement abordé avec le livre comme source d’information, notre cerveau retiendra certainement des informations, mais moins que si les élèves pouvaient se rendre dans un champ ou dans un jardin pour planter et pour entretenir les parcelles. En effet, ce que nous avons appris devient vivant. Nos élèves deviennent alors capables d’appliquer leurs connaissances approfondies dans d'autres situations. Ils peuvent comparer et mettre en contraste diverses formes d'apprentissage. Leurs opinions sont pertinentes et défendables. Il nous faut absolument avoir des futurs leaders chrétiens sachant clairement exposer et défendre une perception biblique du monde ainsi que des valeurs bibliques. En tant qu’enseignants, il nous faut pouvoir à la fois à l'apprentissage et à son contexte.
Pour avoir de meilleurs résultats lorsque vous semez les 3 types de graines dans un terrain préparé, arrosez et désherbez régulièrement vos champs d'enseignement et d'apprentissage. Tout ce domaine est désordonné, encore en friche ! Notre objectif est de faire de mieux en mieux chaque année, non pas d'être parfait. Si vous ne savez pas par où commencer, cherchez des cultivateurs de la même sensibilité, des enseignants qui veulent dispenser un enseignement solide et concret qui leur permettra de récolter des fruits durables par une éducation qui restera ancrée dans la mémoire de leurs élèves. Choisissez un domaine qui semble le plus propice au changement dans votre classe, puis commencez, une étape après l'autre. La véritable bénédiction d'être un enseignant chrétien, c’est celle de la liberté que nous avons d'intégrer la vérité biblique dans tout ce que nous enseignons, en utilisant meilleures pratiques d’éducation découvertes à ce jour.
Que le Seigneur nous bénisse avec une abondante récolte !